Je m’intéresse au lac Saint-Pierre parce qu’il fait partie du fleuve Saint-Laurent. Le fleuve Saint-Laurent est le deuxième fleuve en importance au point de vue débit en Amérique du Nord. Le fleuve Saint-Laurent s’écoule aussi dans ce qu’on appelle des lacs fluviaux dont le dernier est le lac Saint-Pierre. Et la qualité de l’eau dans le fleuve Saint-Laurent, surtout en aval de Montréal et dans le lac Saint-Pierre, elle est déplorable actuellement. Alors, je m’intéresse aux causes de l’état actuel déplorable de la qualité de l’eau dans ces milieux. La qualité de l’eau dans le fleuve Saint-Laurent est assez mauvaise depuis pas mal longtemps. Je dirais facilement depuis les dernières 50-60 années. Il y a eu une certaine amélioration au cours des dernières décennies. Il y a eu un déplacement du problème aussi. Parce que les problèmes de qualité de l’eau dans le lac Saint-Pierre par exemple résultent de trois causes principales. Il y a en premier la technologie d’épuration des eaux usées qui est désuète pour l’agglomération de Montréal : la ville de Montréal, Longueuil, Laval. Vraiment, on traite nos eaux usées avec des techniques qui sont quasiment du siècle passé qui ne sont pas du tout appliquées à préserver la qualité de l’eau dans le lac Saint-Pierre.
On a des problèmes dans le lac Saint-Pierre d’agriculture non durable. On ne peut pas être contre l’agriculture mais on peut être contre la façon dont on fait l’agriculture actuellement. Actuellement, on se préoccupe très peu de la qualité des eaux réceptrices. Si on pense aux rivières Yamaska, Richelieu, Saint-François. La qualité de l’eau de ces rivières est déplorable.
Il y a un troisième problème au lac Saint-Pierre, c’est la présence de la voie navigable au centre du lac Saint-Pierre qui fait que toute l’eau propre qui provient des Grands Lacs, qui provient du lac Ontario s’écoule rapidement au centre du lac Saint-Pierre et ne contribue pas à nettoyer ou à diluer la pollution qui vient des tributaires agricoles du lac Saint-Pierre comme la Yamaska, la Richelieu.
La combinaison de ces trois problèmes, traitement vétuste des eaux usées qui sont en amont, pollution agricole qui vient de techniques d’agriculture non durables et la présence de la voie navigable font qu’au lac Saint-Pierre la qualité de l’eau est en général déplorable.
On sait par exemple qu’il y a environ 40 %, dans 40 % de la superficie du lac Saint-Pierre, et ça représente plus de 100 km2 ça, la qualité des eaux ne répond même pas aux normes du ministère de l’Environnement concernant la protection de la vie aquatique. Alors, le lac Saint-Pierre est tellement pollué qu’on protège mal la vie aquatique dans le lac Saint-Pierre.
Il y a d’autres problèmes inhérents au lac Saint-Pierre. Il y a un problème d’envasement rapide dû encore à l’existence de la voie navigable au centre du lac Saint-Pierre. Je pense qu’il y a d’autres façons… Ce n’est pas la navigation commerciale qui est un problème, c’est la façon dont on pratique, dont on fait la navigation commerciale. Je pense que c’est une très mauvaise idée de faire monter jusqu’à Montréal ou jusqu’aux Grands Lacs des navires transocéaniques. Dans la plupart des autres grands fleuves du monde, la navigation se fait par barges qui ont un tirant d’eau beaucoup moins prononcé qu’un transocéanique. Ce qui permet de naviguer dans des chenaux beaucoup moins profonds. On pourrait facilement appliquer cela au lac Saint-Pierre.
On est en train d’observer qu’en raison de la configuration spéciale du lac Saint-Pierre… Vous savez il y a la voie de navigation centrale par laquelle s’écoule rapidement l’eau des Grands Lacs. Et on a les eaux très fortement polluées des tributaires agricoles qui amènent aussi non seulement beaucoup de phosphore et d’azote mais amènent aussi beaucoup de particules en suspension qui viennent se déposer dans le fond du lac Saint-Pierre. On est en train d’observer dans certains secteurs, surtout le secteur amont du lac Saint-Pierre, la première moitié amont, un envasement très rapide. Si on ajoute à ça la perspective de diminution des débits dans le Saint-Laurent, l’envasement rapide qu’on observe avec la diminution des débits nous fait penser que l’existence du lac Saint-Pierre tel qu’on le connaît avec la superficie qu’il a actuellement sera une chose du passé dans quelques décennies. Ça veut dire qu’il est en train de s’envaser rapidement, il est en train de se remplir rapidement surtout dans la section sud et certains endroits aussi de la moitié nord du lac Saint-Pierre qui sont peu profonds, qui sont maintenant abondamment colonisés par des plantes aquatiques qui favorisent la sédimentation. Alors, il y a des problèmes de contamination non seulement par des microorganismes pathogènes, par le phosphore et par l’azote mais par d’autres substances aussi comme certaines substances pharmaceutiques, certains composés hormonaux qui ont des effets notables maintenant sur la biologie du fleuve Saint-Laurent et du lac Saint-Pierre. On observe par exemple des ratios mâles femelles qui ne sont pas normaux, qui sont aberrants et qui représentent un risque pour la reproduction de certaines espèces de poissons et d’amphibiens dans les systèmes du Saint-Laurent et du lac Saint-Pierre.